Aya : J’ai 23 ans. Je suis en couple depuis un mois seulement et je prends la pilule depuis mes 16 ans.
Tout a commencé avec des nausées très fortes d’un seul coup. Et puis il y a eu cette intuition si intense au fond de moi qui m’a poussée à faire un test de grossesse sans plus attendre. Je suis en retard au travail donc j’emporte le test avec moi en me disant que je regarderai en arrivant sur le parking du travail.
Le verdict tombe…C’est positif. Je suis sous le choc. Non ce n’est pas possible, ça ne peut pas m’arriver à moi, je prends la pilule assidument, j’ai même eu des règles dernièrement… J’envoie un texto à mon copain. Il ne peut pas m’appeler mais il est présent et impliqué.
Je ne sais pas quoi faire, ni vers qui me tourner. Je ne désire pas avoir d’enfant. J’appelle mon médecin et je tombe sur la secrétaire qui me donne un rendez-vous en urgence et me prescrit une prise de sang. Je fonce au laboratoire pendant ma pause de 10h et je passe ma journée à être angoissée.
Je rappelle le laboratoire en fin de journée et on me confirme la nouvelle…Je suis bel et bien enceinte de trois semaines…Mon médecin a écrit une lettre pour le planning familial et me l’a donnée. Comment rentrer chez sa famille et afficher une mine qui ne peut faire douter personne avec un tel poids sur le cœur ?
Je rencontre la conseillère du planning familial, très gentille et compréhensive. On discute et elle me dit que je pourrais peut-être bénéficier d’une IVG médicamenteuse mais comme la gynécologue est en vacances et que je n’ai toujours pas eu d’échographie, elle ne sait pas si les délais seront respectés.
Elle me donne des tas de papiers et me dit qu’il faut que je réfléchisse sept jours…Oui, je sais, c’est bête me dit-elle mais c’est le protocole (A l’époque un délai de 7 jours de réflexion est obligatoire pour toutes les femmes. Ce délai de réflexion a été supprimé par la loi santé parue au Journal officiel du 27 janvier 2016).
Puis vient le moment de la première échographie. La gynécologue est assez froide, je suis terrifiée. La seule chose positive est que je suis dans les délais pour l’IVG médicamenteuse.
Je me souviens qu’il y a beaucoup d’orage et de pluie ce jour-là. Je suis seule, mon copain vit loin de moi et n’a pas pu se libérer…On me met dans une chambre, on ne m’adresse pas la parole, on vient me voir pour me donner les comprimés puis on me laisse seule… »ça ne sera pas long vous verrez ».
J’ai peur, je tremble. Trente minutes plus tard, je ressens une énorme douleur dans le bas-ventre. Je pleure, je sue à grosses gouttes. La douleur me fait vomir. Je reste couchée par terre dans les toilettes à attendre le moment de l’expulsion..
Après tout ça, les infirmières ne sont jamais venues me voir. Il a fallu que j’aille moi-même demander à voir quelqu’un après des heures d’attente.
S’en est suivi une grosse infection plus tard et une deuxième prise médicamenteuse car tout n’avait pas été expulsé…
Aujourd’hui, personne ne sait que j’ai eu recours à une IVG à part mon copain de l’époque. Un jour, peut-être que j’en parlerai.
Je ne pense pas avoir de séquelles psychologiques mais ce que je retiens de tout ça c’est finalement cette solitude dans laquelle moi-même et tellement d’autres femmes ont été laissées. Et je crois que c’est ça qui fait le plus mal.
Aya, merci de votre témoignage. Ce n’est pas normal que vous soyez resté seule, qu’on ne vous ait pas expliqué comment ça allait se passer et que vous n’ayez pas eu d’anti-douleurs ! 80% des femmes qui avortent sont sous contraception Il n’y a plus de délai de réflexion depuis 2016, et avant les professionnel.les militant.es ne le demandaient pas aux femmes.