Reysane : La première fois que j’ai avorté, je devais avoir 20 ans. J’étais depuis cinq ans avec mon premier copain, un manipulateur, un sale type. Il voulait que je garde « son héritier », mais on a finalement entamé les démarches. Pas de semaine de réflexion, opération le lendemain : il était légalement trop tard pour la mascarade.
Je ne l’ai ni bien, ni mal vécu, j’ai fait ce que j’avais à faire, puis je suis passée à autre chose. Mes parents m’ont bien précisé qu’on n’en parlerait pas dans la famille.
Quelque temps plus tard, toutes les femmes de la famille en grande conversation sur le ressenti de leurs grossesses m’ont donné l’occasion de m’exprimer. Ma phrase « moi quand j’étais enceinte… » a laissé l’auditoire silencieux.
Mon deuxième avortement n’a pas de noble justification qui rétablit l’honneur bourgeois : je venais de rencontrer mon copain, on ne voulait pas d’enfants et on était fauchés. Mais surtout, on ne voulait pas d’enfants.
Mêmes démarches, accompagnée cette fois d’un chouette gars bienveillant (et féministe). Cette fois j’ai eu droit à tout le cérémonial, jusqu’à la visite de contrôle avec une gynécologue en clinique.
Celle-ci nous accueille en souriant et commence à me poser des questions sur ma maternité, jusqu’à ce que j’explicite « je ne vais pas le garder ». Elle se glace. Elle m’aboie dessus en me demandant de me déshabiller et quitte la pièce.
Je me retrouve toute seule en culotte à l’attendre, apeurée et intimidée : elle me trouve obscène et révoltante.
Lorsqu’elle revient 5 minutes plus tard, elle me somme à nouveau de me déshabiller et me dit « on va passer par voie basse ». C’était peut-être le contexte, peut-être mon état de faiblesse, je n’ai pas compris ce que cela signifiait.
Elle s’est approchée soudainement avec son objet phallique dont je ne sais rien, m’a écarté les cuisses et m’a enfoncé ça entre les jambes. J’ai pleuré et résisté, serré les jambes et elle l’a enfoncé plus fort en me criant « vous me faites mal ! ».
Elle a fait ce qu’elle avait à faire en silence, j’étais agitée de spasmes et de pleurs, puis elle m’a dit froidement « rhabillez- vous » avant de partir. En revenant quelques minutes plus tard elle m’a trouvée dénudée en position fœtale et m’a craché « dépêchez-vous, il y a des gens qui attendent ! ».
J’en parle aujourd’hui à cause du tabou, et des autres femmes qui vont elles aussi subir ce viol que l’on réserve aux sorcières.
Reysane vous avez été victime de violences obstétricales qui ont débouché sur la mise en place d’une sonde vaginale pour effectuer une échographie sans votre consentement ce qui est en effet un viol. Vous pouvez appeler le numéro vert national ou une association du Planning familial pour en parler. On vous accompagnera dans l’écoute de votre situation et dans les démarches que vous pouvez mettre en place pour dénoncer cette gynécologue.